Promenade de circonstance

Je franchis les lourdes portes du palais et me dirige rapidementvers le champ d'Heraklès, malheureusement accompagnée par un gêneur de la pire espèce : Olav d'Omsk duc et accessoirement messager de mon père. Je sais très bien la raison qui l'a poussée à quitter la cour d'Ukraine pour se précipiter à St Pétersbourg. Mon père ne cesse de m'envoyer des lettres, de plus en plus pressantes, pour me pousser à me marier. En Ukraine ou en Russie, peut lui importe du moment qu'il est au moins prince. Il a en vue un certain nombre de prétendants qui, il faut bien le dire, ne sont pas vraiment des perdaux de l'année! Le plus jeune doit avoir au moins 45 ans...
Si j'arrive à l'essouffler suffisamment, peut-être qu'il repoussera son entretien. Mais c'est reculer pour mieux sauter... Il m'arrête soudain, en face de la fontaine d'Apollon, une main sur mon épaule, une autre sur ses côtes. Essoufflé par ses 120 kilos, il peine à parler:

-Il faut... Il faut absoluement... que nous ayons un entretien. En privé... et au plus... au plus tôt!

Je me dégage et souris, faussement coopérative:

-Oui, c'est entendu. Mais pas ce matin, j'ai besoin de prendre l'air. Nous verrons dans l'après-midi. Profitez du par, en attendant!

Et je me sauve, comme une voleuse, vers les bosquets.

Je viens de sortir du labyrinthe. J'aime m'y perdre assez souvent. Puis retrouver mon chemin par hasard. Cela faisait plusieurs heures que j'étais dedans au moment où je trouvais la sortie. Un peu plus loin de moi, j'entends un couple et les regarde avec intérêt. Une femme jeune et jolie qui dénote complètement avec le gros tas qui l'accompagne.
La jeune femme n'était autre que la princesse d'Ukraine, qu'il avait vu à quelques reprises sans jamais aller lui parler.
Pendant qu'elle s'enfuie le plus loin possible de son encombrant compagnon, je décide de congédier le domestique qui m'avait attendu tout ce temps en m'excusant auprès de lui. Je décide donc d'aller lui rendre visite.
En me rapprochant des bosquets, je vois son prétendant et lui adresse un sourire, sans pour autant discuter avec lui. Je sens qu'il me suit du regard. Et je sais ce qu'il pense en me voyant passer. Qu'il faut qu'il arrive avant moi. Sinon il n'aura rien d'autre d'elle avant son rendez vous hypothétique de l'après midi. Je presse donc un peu le pas. J'arrive enfin à hauteur de la princesse.

- Mademoiselle, je suis enchanté de vous rencontrer enfin.

Je m'empresse d'ajouter afin de ne pas rester un inconnu plus longtemps.

- Je suis Zoltàn de Hongrie et je suis arrivé ici il y a seulement cinq jours.

Je souris de mon plus beau sourire à l'inconnu providentiel. Ce coup-ci, l'ambassadeur de mon père tourne les talons. Il ne peut pas voler la priorité à un prince de sang, et il le sait parfaitement. Pour une fois, je remercierais l'étiquette à genoux.

-Enchantée de même. Milena d'Ukraine (hj : je vais changer son nom!).

Sur le ton de la confidence, je dis:

-Vous savez que vous venez de m'épargner une discution fort désagréable avec un gêneur de la pire espèce?

Et j'enchaîne, balayant d'un geste de la main l'énorme ambassadeur:

-Vous plaisez-vous à la cour de Russie?

Hj : tu as déjà Elena de Russie ca va faire beaucoup avec deux Elena non?

- C'est ce que j'avais cru comprendre en le voyant revenir vers vous. Je ne pouvais supporter l'idée de vous laisser seule avec un tel homme, si tant est qu'il mérite encore cette appellation.

J'avais dit cette phrase avec naturel, et tout a fait relaché.

- Si je me plais ici? A la Cour du Tsar Vitaliy? Comment pourrait-il en être autrement? J'ai demandé à venir ici. Mes parents étaient réticent à me voir partir loin, mais n'étant pas l'héritier, ils ont finalement accepté ma volonté. Je connais bien Vitaliy et c'est son intronisation qui a fini de me convaincre de venir.

Un sourire franc se dessine sur mon visage.

- Et puis, ce n'est pas en Hongrie que j'aurais pu rencontrer les princesses d'autres contrées. Personne ne vient jamais en Hongrie. L'Autriche oui, la France oui, l'Italie oui, l'Angleterre oui, la Russie, vous en êtes le parfait exemple mais la Hongrie jamais. Et vous alors? Cette Cour est-elle à votre gout?

hj: oui je me suis plantée c'est Milena d'Ukraine au lieu de Milena Volonia

Je souris : c'est vrai qu'en Ukraine, la cour était déserte aussi:

-Je comprends votre désir de partir de Hongrie, ce sont les mêmes raisons qui m'ont fait quitter l'Ukraine. Je m'y sentais isolée. Et puis vivre dans une petite cour ne permet pas d'apprendre les codes mondains. Je suis à St Pétersbourg depuis quelques temps déjà, et je dois admettre que j'adore m'y trouver. On ne s'ennuie jamais ici. En Ukraine je passais mon temps à bailler! Ici, il y a toujours une fête, une promenade, bref un événement intéressant. Et les usages de la cour sont bien moins stricts que ne le sont ceux d'Ukraine. J'ai plus de liberté ici.

J'ajoute:

-Mes parents voulaient que je vienne ici pour achever mon éducation. Mais ils aimeraient que je rentre maintenant, pour me marier. D'où l'ambassadeur que vous avez vu. J'avoue que le mariage et le retour en Ukraine ne me tentent guère. Encore une fois, je vais faire tourner en bourique ce pauvre homme, jusqu'à ce qu'il s'en aille. Mais c'est provisoire, je ne le sais que trop.

Je me rappelle de Budapest, où la neige venait de se dissiper au moment de son départ. La Cour avec les nobles hongrois, et quelques princes et princesses étrangers de passage pour se rendre en Autriche ou en France, voire même en Russie. Jamais ils ne s'arrêtent durablement en Hongrie et je ne peux les en blâmer car moi même finalement, j'ai décidé de quitter mon pays natal bien que j'en sois prince.

- La meilleure Cour est celle où l'on peut cotoyer les meilleures personnes, en Hongrie, je ne faisais que les croiser. C'était un lieu de passage avant de finir le voyage vers d'autres pays. Mais jamais un lieu d'arrêt définitif. Pour ce qui est des usages, je ne suis pas encore parfaitement adapté je crois. Mais cela ne serait tardé.

Je souris avant de poursuivre :

- Le mariage, pouvons nous vraiment y couper ? Il suffit juste que vous proposiez quelqu'un qui convienne à vos parents et je suis sur qu'ils finiront par accepter. Une fois marié, le retour en Ukraine peut être exclu qui plus est.

Je souris encore plus franchement et ajoute :

- Dans le cas où vous choisiriez la personne, peut être la feriez vous moins tourner en bourrique que s'il s'agissait d'un mariage arrangé.

Je hoche la tête:

-Certes, mais encore faut-il trouver le mari idéal. Et vous serez certainement d'accord avec moi si je dis qu'il est très difficile de trouver une personne avec qui l'on est sûr de pouvoir vivre en totale harmonie toute sa vie. L'amour, la passion, ça ne dure pas toujours. Mais le mariage est un engagement sans retour possible.

J'ai conscience que je dis des choses qu'en général, il ne faut pas dire. Parler de la sorte, même si on le pense intimement, n'est jamais bien vu en société. Mais il me semble que mon interlocuteur est assez ouvert d'esprit pour que je tente la sincérité.

-Pardonnez-moi si je vous choque avec mes paroles, mais elles viennent du fond du coeur. Le mariage peut très vite se transformer en prison, même si l'engagement de départ était consenti!

- Je suis d'accord, la passion est éphémère. Un amour passionnel ne peut survivre à la lassitude que lui imposera le temps. D'autant plus que cette gens capable de passion sont des gens qui se lassent avec le temps. C'est tout à fait normal.

Le mariage, une prison?

- C'en est obligatoirement une. Le mariage met des chaînes. C'est une évidence. Et autant être enchainé avec quelqu'un que l'on aime. Ne serait-ce qu'un peu. Mais vous le savez autant que moi, nous sommes de haute naissance et nous épouserons qui on nous dira.

Même moi. A moins que je ne propose une femme qui soit une parfaite alternative. Ou alors que mon père ne meurt prématurément.

Je soupire:

-Je crains que vous n'ayez parfaitement raison... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me cache du diplomate ukrainien. Mais je suppose que je ne pourrai pas le faire éternellement. Maintenant que vous savez tout de moi, ou presque, ça vous dérangerait que nous nous tutoyions? Je trouve le vouvoiement assez impersonnel. Et maintenant que je vous ai dévoilé ma théorie sur le mariage, nous sommes presque des amis!

J'ai dit la dernière phrase dans un grand sourire.